Saison 1.15 - 1989 : Une journée en Champagne

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Grand-père raconta à Alann un autre moment de sa vie de consultant :  une journée en Champagne bien pittoresque ...
 
Nous allions souvent faire de la prospection chez de nouveaux clients potentiels avec Michel, le responsable de la BU (Business Unit), l'agence en français. Cela faisait partie de mon rôle dans mes nouvelles fonctions. Michel a un profil commercial et moi pas, bien au contraire, plutôt timide de manière générale et face à de nouvelles personnes à rencontrer en particulier.  Michel jouera un rôle essentiel pour moi dans la façon d’aborder les clients dans les premières rencontres, l’observation, l’écoute, l’empathie, le comportement à adopter, la mise en confiance.

Nous avions pris rendez-vous avec le directeur informatique d’une grande maison de champagne à Epernay, personnage imposant, impressionnant même. Nous avions eu du mal à obtenir ce rendez-vous. Il avait fallu insister, convaincre de l’intérêt pour lui de nous rencontrer et trouver un créneau de disponibilité. Enfin nous y étions arrivés !

Départ tôt le matin en voiture, je suis chez Michel, point de départ de la “balade”, en banlieue ouest de Paris, c'est lui qui conduit, il adore. C’est notre détente, nous pouvons discuter librement de tous les sujets, le travail, les collègues, la famille, les enfants, la politique, le vin. Une vraie complicité s’était installée entre nous dès le début de nos échanges. Et cette complicité durera toujours, même encore maintenant … Nous avons le temps, deux heures de route au moins. 

Pas d’interdictions pour rouler !

La route de Paris à Epernay est superbe, nous passons par la nationale, traversée de Meaux, de La Ferté-sous-Jouarre, de Chateau-Thierry,  et entrée dans Epernay. 

Nous suivons les courbes de la Marne, les collines couvertes de vignes sur la fin du parcours, nous sommes loin de l’ambiance de la région parisienne, immergés en pleine nature, situation propice au lâcher prise, technique complètement maîtrisée maintenant après quelques mois de pratique. Et le lâcher prise, avant un rendez-vous, c’est important.

Pour compléter la mise en situation, nous avions souvent l’habitude de nous lancer des défis, avant les rendez-vous : introduire dans la conversation un mot incongru, un mot qui n’a rien à voir avec le sujet, un mot détonnant, un mot pour nous faire rire intérieurement à l’insu de notre interlocuteur ! Le premier à utiliser le mot est gagnant, le perdant a un gage !!
Ce fut bien-sur le cas à cette occasion. 
Le mot de Michel : “Dromadaire !”. 
Mon mot : “Coronavirus !!”  ...

Nous arrivons vers 11h comme prévu.
Le directeur informatique n’est pas encore disponible, il termine une réunion. Nous sommes accueillis par un sommelier, en livrée et gants blancs, dans une salle de réception digne du Palais des Glaces à Versailles. Première surprise, ce n’est pas coutumier d´être reçu de la sorte ! Imaginez le contexte hors du temps !

“Bonjour messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue. Vous êtes ici dans une salle datant du 18e siècle, rénovée dans les années 50 : les boiseries sont d’époque, le plafond a été complètement refait. Que souhaitez vous comme champagne ? Blanc sec, demi sec, rosé ?” 

Nous optons tous les deux pour du champagne blanc sec.
Délicieux bruit du champagne gouleyant coulant dans les verres …
Le directeur informatique vient d’arriver. Il s’installe à nos côtés. Il choisit du champagne rosé. Nous trinquons à notre futur partenariat.

Nous présentons notre société, nos offres, nos compétences. D’abord attentive, nous sentons l’écoute de notre interlocuteur faiblir au fil des minutes. Il pense à autre chose, semble-t-il. Il regarde sa montre.

“Oui !! quelle heure est-il ?”
“Ah oui déjà midi trente !”
“Messieurs, avez vous prévu un restaurant pour ce midi ?”

Michel et moi, nous nous regardons, un peu surpris, plutôt contents de pouvoir poursuivre la conversation avec notre client, et d’avoir le temps d’étudier avec lui une prochaine collaboration, mais un peu inquiets, car nous n’avions pas anticipé le coup du resto.

“Ah vous n’avez pas réservé ! Je vais vous emmener dans un endroit que vous allez aimer, faites moi confiance.”

Et nous voilà partis, après avoir dégusté un excellent champagne en guise d’apéritif, en quête d’un bon restaurant pour satisfaire l’estomac de notre cher client, enfin de notre cher prospect, pas encore client. En quête, pas vraiment, non, car il sait exactement où il va, c’est sa cantine en fait.

Super endroit, nous allons déjeuner comme des rois, accompagné de champagne rosé tout au long du repas. Plus de deux heures ensemble, à parler de tout et de rien dans un premier temps, à tourner et retourner les projets supposés pouvoir être réalisés dans un futur très proche, mais très incertain aussi !
La note ne fut pas incertaine, elle ! et ne fut pas mince non plus !
Et la note fut pour nous, bien sûr, le client ne paye pas dans le métier, ou très rarement ...
Notre client prît congé, car le rendez-vous de 15h était déjà arrivé dans la salles des Glaces …

Michel avait gagné son pari contre moi, comme d’habitude ... , le roi de la blague ! “Dromadaire” dans la conversation parlant de gestion et d’informatique avec un client, un joli tour de force !!
“Coronavirus”, en 1989 , c’était vraiment très difficile à placer.



Alann regarda son grand-père de travers, l’année 2020 était passée par là !! , mais il ne fit pas de remarque, l’importance des mots selon les époques et le changement de comportement ...

Nous reprîmes la route, avec gaité et des idées pour la suite. Mais pas sûrs de signer quelque chose dans les semaines, voir les mois suivants.
Nous eûmes quelques échanges téléphoniques très courtois les semaines suivantes.

En fait, rien ne fut signé ...

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